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Enseignement secondaire en Algérie
3 novembre 2012

Préface du Dernier jour d’un condamné de V. HUGO ( Contre la peine de mort)

 

  Ceux qui jugent et qui condamnent disent la peine de mort nécessaire. D’abord, parce qu’il importe de retrancher de la communauté sociale un membre qui lui a déjà nui et qui pourrait lui nuire encore. S’il ne s’agissait que de cela, la prison perpétuelle suffirait. À quoi bon la mort ? Vous objectez qu’on peut s’échapper d’une prison ? Faites mieux votre ronde. Si vous ne croyez pas à la solidité des barreaux de fer, comment osez-vous avoir des ménageries. Pas de bourreau où le geôlier suffit.

  Mais, reprend-on, il faut que la société se venge, que la société punisse. Ni l’un ni l’autre. Se venger est de l’individu, punir est de Dieu. La société est entre deux. (...) Elle ne doit pas « punir pour se venger » ; elle doit corriger pour améliorer. (...) Reste la troisième et dernière raison, la théorie de l’exemple. Il faut faire des exemples ! Il faut épouvanter par le spectacle du sort réservé aux criminels ceux qui seraient tentés de les imiter ! (...) Eh bien ! Nous nions d’abord qu’il y ait exemple. Nous nions que le spectacle des supplices produise l’effet qu’on en attend. Loin d’édifier[1] le peuple, il le démoralise, et ruine en lui toute sensibilité, partant toute vertu (...) Est-ce bien sérieusement que vous croyez faire un exemple, quand vous égorgillez misérablement un pauvre homme dans le recoin le plus désert des boulevards extérieurs ? En Grève[2] en plein jour, passe encore ; mais à la barrière Saint-Jacques ! Mais à huit heures du matin ! Qui est-ce qui passe là ? Qui est-ce qui va là ? Qui est-ce qui se doute que vous faites un exemple là. Un exemple pour qui ? Pour les arbres du boulevard apparemment. Toutes les raisons pour la peine de mort, les voilà donc démolies.

  Voilà tous les syllogismes[3] de parquets[4], mis à néant. Tous ces copeaux de réquisitoires, les voilà balayés et réduits en cendres. Le moindre attouchement de la logique dissout les mauvais raisonnements.

 

Victor Hugo, Le Dernier jour d’un condamné (préface de 1832).



[1] Éduquer moralement

[2] La place de l’Hôtel de Ville à Paris où se déroulaient les exécutions capitales

[3] Mode de raisonnement

[4] Ensemble des magistrats

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